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Yves Duteil, l’apôtre de la douceur

  • Franck Moreau
  • 10 avr. 2024
  • 6 min de lecture



Dans le cyclisme, il y a des monuments, comme cet immense Paris Roubaix qui s’est tenu ce dimanche. La chanson française a également les siens, et Yves Duteil compte parmi cela.


Nous avons eu le plaisir d’aller à son contact lors de son récent passage à Boisseuil.

Avant cela, j’ai pris le temps de revisiter son répertoire. L’occasion bien sûr de retrouver ses classiques, mais aussi de découvrir de nouvelles chansons toutes aussi inspirantes les unes que les autres.


Un point commun à toutes, la richesse et l’efficacité de textes qui nous embarquent et laissent libre court à nos émotions. Si les larmes sont venues au coin de l’œil, il est difficile de lui en vouloir tant celles-ci sont libératrices et nous laissent également plein d’espoirs quand la musique s’arrête.


Yves Duteil a une façon bien à lui de chanter et même de prononcer le mot « chagrin », qui revient dans beaucoup de ses textes. Cela m’a particulièrement interpellé aussi bien en écoutant en amont ces chansons mais aussi quand j’ai pu observer l’artiste sur scène, magnifiquement accompagné par ses complices, le violoncelliste Philippe Nadal et le bassiste Gilles Bioteau.


Une scène où Yves Duteil avance légèrement courbé. Inutile de savoir précisément si c’est pour mieux se préparer au salut pour le moment de la communion finale, ou pour mieux mettre en valeur ses musiciens, ou encore si ce dernier paie aujourd’hui tout le temps passé penché sur l’écritoire pour trouver le texte juste ou sur son piano pour trouver le bon accord.

C’est sans doute un peu de tout cela assurément, un ensemble qui force quoiqu’il arrive le respect après cinq décennies passées auprès de nous, et à nous accompagner en musique.


Dès le plus jeune âge, il s’est invité dans mon cahier d’écolier, avec le texte de « Prendre un enfant par la main » (élue des années plus tard chanson du siècle, ce qui constituera le début d’un nouveau cycle pour Yves Duteil - lire plus bas).


Quand il a repris cette chanson sur scène, je me suis retrouvé assis à mon pupitre en bois (avec un trou pour encrier devenu obsolète) de ma classe de campagne multiniveaux, dirigée par mes professeurs d’alors Michèle P. et Jean-Jacques D.

A l’époque ces instituteurs étaient le prolongement de ce que l’on recevait à l’école. Nos parents nous confiaient comme un trait d’union leur permettant d’assurer leurs activités, et ils reprenaient le relai dès la sortie d’école.


La moindre punition pouvait être potentiellement doublée et ne souffrait d’aucunes contestations. Cette chanson a fait remonter tout cela, une forme de mélancolie par rapport à ces moments, partagés avec les copains de mon village et de ceux alentours.


A cette première boucle bouclée, une deuxième est venue s’ajouter, car j’ai eu la chance de partager ce concert avec mon fils. Cette chanson qui m’a accompagné enfant m’a sans doute également guidé ensuite en tant que parent. D’une certaine manière, sans prétention, cette soirée était également l’occasion de transmettre cette chanson à mon ainé, pour qu’il puisse à son tour ressentir toute la douceur et tout l’espoir qu’elle comporte.


Sans les poètes et les artistes tels qu’Yves Duteil, je n’aurais pas pu et nous ne pourrions pas vivre ces émotions.


Alors pour tout cela, merci et respect Mr Duteil !

 

 

 

 

Extraits de l’échange avec le public avant le concert :


Question : 50 ans de carrière, quelle est la différence entre le Yves Duteil du début et celui d’aujourd’hui ?


Yves Duteil : En 50 ans, c’est surtout l’époque qui a changé, ce qui m’a forcément amené à évoluer en tant qu’individu. Nous sommes passés selon moi durant cette période d’une société insouciante, vivant dans la paix et une certaine harmonie, avec des instances efficaces pour réguler la violence, à une société vivant dans un trouble permanent. Les valeurs se sont inversées et cela questionne inévitablement.


Q : Quel est la place du poète dans ce monde d’aujourd’hui ?


Y D : Il n’y a plus que jamais sa place ! Beaucoup m’ont imaginé comme naïf pendant vingt-cinq ans, et disaient de moi que j’étais un gentil, comme on dirait de quelqu’un qu’il est « brave », ce qui n’est pas vraiment un compliment finalement. Même si j’accepte le qualificatif de gentil, je le complèterai en disant gentil oui, mais pas que…


Car si j’utilise la douceur comme une vertu, cette douceur n’est pas à ranger dans la même catégorie que celle de la non-violence. La douceur que je défends est la douceur comme aspiration ultime de l’humanité, alors que la non-violence attache les mains dans le dos, ce qui rend difficile l’action. La douceur devient le moteur quand il faut résister et affronter l’adversité. Pour illustrer ce propos c’est sans doute de cette même douceur dont rêvent les soldats ukrainiens aujourd’hui qui espèrent qu’à la fin du conflit ils pourront retrouver leurs familles, après la victoire qu’ils souhaitent pour leur combat.


Ma poésie s’appuie sur cette douceur, et cherche avant tout à trouver les bons mots pour véhiculer les émotions. L’objectif n’est pas pour moi juste d’accoler de jolis mots, mais plutôt à chaque fois d’assembler les mots justes pour arriver à cet objectif.


Ce que je recherche, c’est la naissance d’une émotion dans celui qui est en face de moi. Avant d’être engagée, elle doit détenir dans son contenu cette capacité à transférer cette émotion.


Q : Quelle a été votre réaction quand l’une de ses chansons, « Prendre un enfant par la main », a été élue chanson du 20ème siècle à la fin des années 80 ?


Y D : J’ai été profondément troublé, car cette chanson avait tout pour ne surtout pas faire ce parcours. Son classement m’a intimement interpellé, car finalement il me posait la question du quoi faire après de mieux que cela finalement, car cette récompense allait au-delà de tout ce que j’avais pu imaginer. Quel pouvait être le rêve suivant ?


Au bout de ce questionnement, je me suis posé la question suivante : « Est-ce que je suis l’homme de mes chansons ? ». Si jusqu’ici j’avais chanté la beauté et la douceur, j’avais le sentiment de ne pas l’avoir concrétisée et mise en œuvre. C’est à ce moment que s’est présenté une situation dans mon village qui m’a amené à m’impliquer, de simple citoyen jusqu’à la Mairie de Précy sur Marne, qui était également à l’époque celui de Barbara.


Q : Quel a été ce cheminement ?


 Y D : Il y avait un projet d’agrandissement de carrière sur la commune auquel nous étions opposés avec d’autres habitants. J’ai choisi de m’impliquer pour faire valoir nos arguments et mettre ma notoriété au service de cette cause.


Mais finalement, plus on avançait, plus nous ne pouvions que constater que nos marges de manœuvre étaient quasi-nulles compte tenu de l’évolution du projet, et que comme tour à tour ont pu nous le faire remarquer nos interlocuteurs jusqu’à Jacques Chirac, alors Maire de Paris qui était partie prenante dans ce dossier, la seule solution pour agir était de devenir Maire à mon tour.


Alors nous avons présenté une liste et avons été élus à la tête d’une commune de quatre-cent administrés, sans expérience. Quelques années plus tard, notre détermination à servir et à trouver des solutions nous a permis de recevoir un prix commun avec les carriers auxquels nous nous étions au début opposé, pour avoir su trouver des solutions pour préserver l’environnement en évitant la mise sur la route de dizaines et de dizaines de camions.


J’ai également reçu la Marianne d’Or du meilleur Maire de France pour avoir mis au point des règles pour reconquérir les zones inondables, et permettre de lutter contre le bati illicite. Notre engagement et notre approche ont permis d’innover en la matière, avec des principes qui ont été déployés depuis.


Q : Avec votre épouse Noelle à vos côtés durant toutes ces aventures ?


YD : Depuis les années 80, elle est aussi mon éditrice et la productrice de mes albums et de mes concerts. Grâce à nos conversations, j’ai trouvé au fil du temps une profondeur de chant. L’exigence de Noelle m’a permis de grandir, c’est sans doute mon miroir le plus fidèle.


La chanson « La langue de chez nous » s’appelle par exemple comme cela grâce à elle. A la lecture de mon écriture initiale, elle m’avait dit « C’est bien mais ça manque de Canada ! »… Aussi je suis revenu sur mon texte et j’ai composé un quatrain supplémentaire :


« …Nous dire que là-bas dans ce pays de neige

Elle a fait face aux vents qui soufflent de partout,

Pour imposer ses mots jusque dans les collèges

Et qu'on y parle encore la langue de chez nous… »


Sans cette exigence cette chanson ne se serait pas présentée au monde ainsi.


Avant notre devise était « rêver plus haut », en traversant les époques elle est devenue « rêver le monde plus beau qu’il n’est pour qu’il le devienne ! »


Notre quotidien a été rêvé par d’autres il y a déjà bien longtemps, et même si des rêves ont pris plus de temps que d’autres ils sont arrivés jusqu’à nous. Alors continuons à rêver pour que d’autres puissent également accéder à ces rêves. Et continuons à rêver de paix, d’harmonie et de démocratie, c’est continuer à rêver à notre future victoire sur le mensonge qui entoure bon nombre de nos sujets contemporains.

 

 

 

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