Festival Au Fil du Son – Civray – On n’a pas tous les jours 20 ans !
- Franck Moreau
- 28 juil. 2023
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 août 2023

Ces paroles de Charles-Ferdinand Pothier, écrites en 1934, sur une musique de Léon Raiter, ont contribué à faire passer la chanteuse Berthe Sylva à la postérité.
Une chanson qui se poursuit ainsi :
"Ca nous arrive une fois seulement,
Ce jour-là passe, hélas, trop vite !
C'est pourquoi faut qu'on en profite."
Profiter :
Des mots qui constituent une excellente introduction à cette soirée d’ouverture du Festival Au Fil du Son 2023 de Civray, tant cette 20ème édition aura été inaugurée avec un menu copieux et une farouche envie de donner plaisir au public ayant répondu présent.
De la scène B à la scène A, de la scène A à la scène B, les festivaliers n’auront presque pas eu le temps de reprendre leur souffle, tandis que les équipes techniques des artistes et groupes œuvraient conjointement en coulisses pour préparer la suite du show.
Rien de plus normal pourriez-vous penser ? Peut-être, mais fidèle à notre habitude, nous n’oublions pas de souligner ce travail de l’ombre qui nous permet à tous d’accéder à pareille soirée.
Et quelle soirée !
Un line-up garni comme un table de fête, avec au programme de quoi régaler tous les convives jusqu’au bout de la nuit.
Adé, Izia, Suzane et Angèle, les femmes ont été mise à l’honneur, avec des prestations qui font peut-être encore trembler le sol civraisien ce matin… Le jeune nordiste Bekar puis SDM fermeront un ban qui aura fait danser, sauter, s’amuser les festivaliers, un beau cadeau d’anniversaire pour souffler cette vingtième bougie.
L’audace contagieuse d’Adé
C’est à Adé que revient donc l’honneur d’ouvrir cette vingtième édition.
A une heure approchant du « Sunset » (coucher de soleil en anglais, également l’un de ses titres), la parisienne de naissance a mis dans le bain de cette édition 2023 les festivaliers civraisiens, avec en arrière-plan les imposantes lettres A-D-é garnissant le fond de scène.
De l’énergie, du sourire, des rythmes chaloupés à ceux plus électrisant, la jeune artiste a déployé toute sa palette artistique, avec un message en guise de fil rouge : OSER
« Qui a déjà eu un crush ici ? … il n’y a pas d’âge pour l’amour » lança-t-elle avant l’un de ses morceaux.
Sur scène comme dans ses textes, elle ose, elle partage et donne tout, même jusqu’à certains de ses accessoires. Son élégant chapeau de cow-girl, objet la reliant sans doute à son road trip aux Etats-Unis en marge de la création de son albun « Et alors ? », partira dédicacé faire un heureux ou une heureuse dans le public, qui gardera un souvenir collector en revenant chez lui.
La chanteuse et ses musiciens nous ont donné envie de bouger, de sauter, de nous libérer pour vibrer ensemble et profiter pleinement de cette soirée d’ouverture.
Izia l’impertinente
Des « olés » après la partie d’Adé ont à peine eu le temps de partir de la foule massée devant la scène A que les premières notes du show d’Izia résonnaient déjà, et se prolongeaient pour permettre au reste du public présent sur le site de se rapprocher pour former une masse encore plus compacte.
L’apparition de leur idole était alors logiquement saluée par des cris nombreux, annonçant que les prochaines minutes seraient intenses…et elles l’ont été.
Un show plein de puissance, de messages et d’interactions (interpellant notamment des spectateurs aux bobs vert au logo d’une marque d’alcool) avec celles et ceux ayant fait le déplacement pour venir acclamer celle qui avait récemment défrayé la chronique, en raison de propos tenus sur scène à l’endroit du Président de la République.
« Y’en a qui n’ont pas d’humour, mais toi est-ce que tu as de l’humour », demandera l’artiste au public, avant d’enchainer un morceau très rock. Une réponse à la polémique ? Peut-être, ou peut-être pas mais finalement devons-nous trancher ? Nous faisons le choix que non, nous ne sommes pas là pour juger mais pour profiter et relater…
Izia profite et fait profiter, dans une abondance de générosité assez exceptionnelle. Elle prend tout, tout cet amour en provenance de l’assistance, pour le renvoyer tels des milliers de cadeaux pour ceux qui l’écoutent, avec un immense sourire en prime.
« Bouge ta chair », « Tu n’as jamais été aussi beau, laisse-toi aller » lancera-t-elle pour inciter les gens à danser sur ses morceaux.
« Au nom du père, du fils…et au nom de la vie ! » lâchera-t-elle dans un de ses morceaux. Si un proverbe indique que « les chiens ne font pas de chats », il n’y a pas à chercher bien loin pour retrouver chez Izia les caractéristiques de son père, le grand Jacques. Une musique soignée, des textes qui le sont tout autant, et surtout une personnalité détonante venant sublimer le tout.
« C’est cool il y a beaucoup de femmes dans la programmation ce soir », et « Profitez de la vie » seront les mots d’Izia avant de partir de scène, l’heure était venue pour elle de pouvoir se rafraichir un peu, après tout l’énergie dépensée durant son show.
Que l’on aime ou que l’on n’aime pas, cela reste une chance de pouvoir compter sur des artistes ayant pareille liberté, et de pouvoir contempler (être là sans rien faire selon Jacques Higelin) ce dynamisme et cette joie qui les portent.
Si Izia avait chanté aux Victoires 2019, avec son frère Arthur, le titre de son père « Je ne peux plus te dire je t’aime », il nous apparait certain qu’elle continue à lui déclarer son amour à chaque fois qu’elle est sur scène, en prolongeant son esprit et traçant ainsi sa route avec générosité.
Suzane livre ses combats
Avec son short de boxe, elle rentre sur scène comme Ali rentrait sur un ring, avec comme uppercuts chacun de ses titres et des chorégraphies d’une autre intensité.
Comme sparring-partner, elle peut compter sur un public qu’elle a remercié dès le début de sa performance.
« Je suis venu ici en 2019, je suis très heureuse de pouvoir y revenir. Malgré la pandémie, vous avez contribué ensuite à faire de de l’album Toï Toï un disque d’or, c’était fantastique ».
En quatre ans, la jeune avignonnaise a poursuivi son fulgurant chemin, ses rencontres, sa vie d’artiste avec la sortie de son second album « Caméo », et sa vie tout court avec sa récente union avec Anouk, en continuant à prendre de la force et à militer pour les causes qu’elle défend.
Un parcours que l’on a retrouvé à Civray ce jeudi, en observant les personnes qui adhèrent aux causes de l’artiste, ou simplement à sa musique, voire les deux.
Quelque soit la raison de leur venue autour de la scène B du festival, Suzane a tenu à les régaler malgré des problèmes de sons qui lui ont demandé une énergie supplémentaire pour les masquer.
« Envoyez-moi de la force, j’en ai besoin ce soir » demandera juste l’artiste entre deux morceaux.
Une force qu’elle démontrera jusqu’au bout, se rendant dans la foule pour un dernier morceau au contact de ses fans et un quasi-tête à tête avec une jeune fan juchée sur les épaules de son père, un moment particulièrement craquant à voir.
« J’espère que je reviendrai pour le 3ème round » conclura Suzane, après que le gong final ait sonné, après une nouvelle large victoire de la chanteuse dans le cœur de son public.
Angèle en reine de cette première soirée
Toujours sans temps mort, avec ce véritable ping-pong de scène à scène, la jeune belge enchaine immédiatement.
Il est 22h30, et le spectacle franchit indéniablement un cap supplémentaire avec l’arrivée d’Angèle.
Il y a toujours une chanteuse et des musiciens, mais elle est aussi, et c’est la première fois de la soirée, accompagnée d’une troupe de danseurs qui vont apporter une autre dimension à ce que nous avons vu précédemment, avant la mise en scène qui va avec…
Elle sort de l’ombre pour entrer dans la lumière, comme un symbole car c’est globalement sous le signe du contraste que le show semble avoir été construit.
Il se dégage une belle unité aussi bien sur scène que dans le public, mais aussi en backstage où, si l’on s’est retrouvé légèrement décalé, l’on peut observer - côté jardin comme on dit au théâtre - certains techniciens réaliser les chorégraphies en même temps que les danseurs.
« Tout oublier » dans cette belle soirée d’été ressemble à une devise, les titres s’enchainent et Angèle invite les spectateurs.
« Il reste quelques chansons, est-ce que vous êtes prêts pour danser ? » interroge-t-elle.
« Balance ton quoi ?...laisse moi te chanter… et saute saute saute », le public reprend les paroles et s’exécute pour les fans inconditionnels comme pour ceux, plutôt nombreux, qui se sont laissés convaincre par la chanteuse.
Le temps s’écoule et à l’heure de se quitter l’écran s’allumera pour afficher le message : « Au Fil du Son Je t’aime ! » avec le thème des couleurs de Nonante Cinq.
Le public a dit oui à Angèle, la reine est désormais partie laissant à chacun des images plein la tête, vive la reine !
Bekar en prince du Hip-Hop
Il restera comme le premier garçon à monter sur scène sur ce Festival 2023, et il s’agit pour nous de sympathiques retrouvailles.
Nous avions eu en effet l’occasion de le voir sur scène à quelques kilomètres de là, à l’espace Crouzy de Boisseuil (87), en janvier 2020. Ce soir-là, il partageait l’affiche avec Zola et nous avions découvert un garçon avec des textes et des instrus ciselés, et nous étions ressortis presque frustrés que son passage ne dure pas plus longtemps, pour profiter un peu plus de ce phénomène.
Un phénomène qui allait continuer sa progression, permettant à d’autres de faire sa première partie (comme pour la jeune Skia croisée l’an passé *).
Un peu plus de trois ans plus tard, nous retrouvons donc le roubaisien de 25 ans, riche d’un nouvel album « Plus fort que l’orage » sorti il y a trois mois maintenant.
Dans cet album de nombreuses collaborations comme avec Plk ( dont il a déjà assuré des premières parties ), la toulousaine Zinée ( que nous conseillons fortement d’aller découvrir ) ou encore Myth Syzer qui apparaitra lors de son show civraisien.
Ce jeune homme a la classe, du texte et de la musique à partager, et c’est sans doute ce qui touche et va continuer de toucher bon nombre de personnes dans les salles où il va être produit.
La puissance de Sdm
La charge lui revenait de clôturer cette soirée et il s’est parfaitement acquitté de cette tâche.
Dès son entrée les « Ocho » (rappel à son quartier: 100-8 devenant 92, département dont est originaire le rappeur ) retentissaient et faisaient penser à une entrée de gladiateurs dans une arène .
Il faut dire que ce rappeur a déjà un sacré pedigree.
Repéré par Booba en 2019 il est signé par la suite dans son label ( 92i, dans lequel on retrouve également Green Montana, Dala, Jsx, Sicario… ).
Il obtient un disque de Platine pour son premier album « Ocho » sorti en 2021 puis un second avec son deuxième album « Lien du 100 » sorti en 2022.
La même année il fera même la première partie de Booba dans un Stade de France complet, et lui-même jouera un Olympia à guichets fermés.
Bref, l’artiste idéal pour ce premier baisser de rideau, avec un public envieux de profiter de son répertoire sur scène et de vivre ces dernières émotions comme on le ferait dans un grand…huit !
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